« Carême et Pâques dans la Bible »
14 mars 2013Texte de la conférence du mercredi 13 mars
Le Carême
Où et quand naquit la pratique du Carême ?
Voici des faits remarquables, qui vous étonneront, au sujet de cette période de 40 jours de pénitence. Vous aurez peut-être peine à le croire, mais le Carême était observé déjà 2 000 ans avant la naissance de Jésus !
Il se pratiquait toujours du temps de la vie de Jésus et des Apôtres, mais le Christ ne l'institua pas ; il ne l'observa jamais ! Les douze apôtres ne l'observèrent pas non plus ! Et l’Église, bâtie par Jésus, ne l'observa pas davantage.
Comment, dès lors, le Carême — période de 40 jours de jeûne et de pénitence — a-t-il été introduit dans le christianisme occidental ?
Ne serait-il pas temps de nous demander pourquoi nous observons certaines coutumes ? Nous avons pu supposer que le Carême était prescrit par la Bible. Mais n’avons-nous jamais consulté la Bible pour vérifier ce qu'elle dit réellement ?
Pourquoi les Églises observent le Carême ?
Le Carême est une période de 40 jours d'abstinence, commençant le mercredi des Cendres. Le mot "carême" est dérivé du latin "quadragesima" qui signifie "quarantième". Les Anglais l’appellent "Lent", terme venant de l'anglais ancien "Lencten", qui désigne le printemps. A l'origine, d'ailleurs, le carême était associé au printemps de l'année. Mais aujourd'hui, il commence en hiver ! Pourquoi ? Où la tradition printanière du Carême prit-elle naissance ?
Remontons tout d'abord l'histoire jusqu'à la fin du deuxième siècle, soit 100 ans après la mort du dernier des 12 apôtres. Dans une lettre écrite par Irénée, évêque de Lyon, à cette époque au sujet du Carême, et adressée à l'évêque de Rome, nous lisons :
"Car la controverse ne porte pas seulement sur le jour" — on discutait alors du moment où il convenait de célébrer le jour dit de Pâques — "mais aussi sur la façon même de pratiquer le jeûne" — le jeûne de la saison du printemps." Certains pensent, en effet, qu'ils devraient jeûner un jour, d'autres deux, d'autres plus encore, et certains quarante jours."
Quelle était l'origine de cette confusion au sujet d'un jeûne de printemps ?
"Et ces variations dans l'observation, poursuivait Irénée, ne datent pas de notre époque, mais de bien plus loin, au temps de nos ancêtres. Il est vraisemblable qu'ils ne s'imposaient pas une stricte exactitude, et qu'ainsi, ils formèrent une coutume pour leur postérité, selon leur imagination et non pas selon l'autorité apostolique, ni le commandement du Christ ! » (D'après L’Histoire de l’Église, d'Eusèbe» livre 5, chapitre 24).
Le Carême est entré dans l’Église par la coutume !
Les Église ont observé le Carême, non parce que la Bible l'ordonne, mais parce que les chrétiens empruntèrent cette coutume à leurs voisins païens.
"Tant que la perfection de l’Église primitive demeura inviolable", écrivit Cassien, prélat catholique du 5ème siècle, "il n'y eut pas d'observation du carême, mais lorsque les hommes commencèrent à perdre la ferveur apostolique de la dévotion, les prêtres, dans l'ensemble, convinrent de les détacher de leurs préoccupations séculières au moyen d'une prescription canonique de jeûne... » (Antiquités de l’Église chrétienne, volume 21, chapitre 1).
Le jeûne, c'est-à-dire l'abstinence de certains aliments, fut imposé après le temps des apôtres — par l'autorité des prêtres.
Le Carême n'est pas d'origine apostolique. Il n'est pas l’œuvre du Christ. Il a été introduit dans le christianisme du monde romain, au deuxième siècle, en même temps que la fête de Pâques ! Le Carême est toujours associé à Pâques. Mais quand est née la coutume de la célébration de Pâques ?
Voici ce qu'écrivait Socrates Scholasticus dans son Histoire ecclésiastique, peu après le règne de l'empereur Constantin, au 4ème siècle après Jésus-Christ :
"C'est pourquoi ni les apôtres, ni les Écritures n'ont en aucun endroit imposé Pâques.
Cependant, comme les hommes aiment les fêtes, qui leur permettent d'interrompre leur travail, chaque individu, en tout lieu, et selon son bon plaisir, célèbre [Pâques] d'après une coutume généralisée… Le Christ et ses apôtres ne nous ont donné aucune loi nous enjoignant d'observer cette fête… Tout comme beaucoup d'autres coutumes se sont établies localement selon la tradition, ainsi la fête de Pâques en est venue à être observée en chaque lieu, conformément aux particularités individuelles des peuples, d'autant plus qu'aucun des apôtres n'avait légiféré en la matière. Les faits eux-mêmes montrent que l'observation découle, non pas d'une législation, mais de la coutume (chapitre 22)."
La fête de Pâques est née d'une coutume populaire. De même que le Carême, qui n'est qu'une introduction à Pâques ; la fête des Pâques est le couronnement du Carême.
A partir de quelle ville la pratique du Carême s'est-elle répandue dans toute la confession chrétienne du monde romain ?
Voici ce qu'en dit Catholic Encyclopaedia : "En tout cas, il ressort clairement des lettres sur les fêles de St Athanase qu'en 331, il prescrivit à ses ouailles une période de quarante jours de jeûne avant»… la Semaine sainte, et ensuite, qu'en 339 après un voyage à Rome et dans la majeure partie de l'Europe, il écrivit dans les termes les plus vigoureux des injonctions imposant cette observation" — du Carême — "à tous ceux qui relevaient de son autorité."
Athanase, évêque d'Alexandrie, en Égypte, subit l'influence de la coutume romaine.
C'est à Rome que les Pâques et le Carême furent introduits dans l’Église chrétienne. Irénée la confirme en écrivant, dans sa fameuse lettre, que le Carême et les Pâques furent introduits au temps de l'évêque Xystus de Rome. Celui-ci "ne permit pas à ceux qui viendraient après lui" d'observer la pratique du Nouveau Testament consistant à commémorer la mort de Jésus le 14ème jour du premier mois du calendrier hébreu. Il la remplaça par la coutume de Pâques et du Carême.
Mais où les évêques de Rome étaient-ils allés chercher cette coutume du Carême ?
Dans l’Église primitive, le Carême fut toujours appelé tessarakoste, en grec, ou quadragesima, en latin. Ces deux termes signifient "quarantième". Le Carême — bien qu'il durât parfois un ou deux jours seulement, ou au contraire plusieurs semaines — fut toujours appelé la célébration de 40 jours !
Comment se fait-il qu'une période d'abstinence ait été désignée par ce nom, alors que ce n'est qu'au début du 8ème siècle apr, J. -C., que le nombre définitif de 40 jours fut imposé à toute l’Église, de l'Irlande à l'Asie Mineure ?
La réponse est évidente : chez les païens, l'abstinence était désignée par la quarantaine, parce que telle était la durée de la célébration de leurs fêtes de printemps !
Dans son livre Egyptian Antiquités, l'historien Wilkinson écrit (chapitre 111 page 181)
que les païens observaient "des jeûnes, dont beaucoup duraient de sept à quarante-deux jours, parfois plus longtemps encore ».
Mais la durée initiale du jeûne, qui remonte à l'ancienne Babylone, il y a 4 000 ans, était de "quarante jours", au printemps de chaque année !" (D'après Nineveh and Bahylon de Layard, chapitre 4, page 93). C'est de là que le jeûne tire son nom de "40 jours" !
Chaque nation modifia progressivement la durée du jeûne, mais toutes conservèrent le nom. Les prétendus chrétiens du deuxième siècle adoptèrent tout simplement les coutumes existant dans leurs pays respectifs; c'est pourquoi, ils furent divisés dès le départ sur la durée du jeûne. Souvenez-vous qu'il fallut près de huit siècles aux Églises du monde occidental pour imposer à nouveau une période totale de 40 jours d'abstinence, selon la tradition originelle de Babylone.
Le christianisme actuel s'est aligné sur des coutumes païennes, au lieu de suivre les commandements divins dans la Bible ! Mentionné dans la Bible le Carême n'est ordonné, ni mentionné, nulle part dans le Nouveau Testament. Mais il est évoqué dans l'Ancien !
"Le carême", souvenons-nous-en, semble avoir été un préliminaire indispensable aux grandes fêtes annuelles en commémoration de la mort et de la résurrection de Thammuz" — la contrefaçon païenne et babylonienne du Messie.
Le mois lunaire babylonien de juin/juillet fut nommé en l'honneur de ce faux messie.
Quarante jours avant la fête de Thammuz (qui se célébrait habituellement en juin) les païens accomplissaient leurs rites de printemps !
Le prophète Ézéchiel les décrit en termes vifs au chapitre 8,13-14 de son livre : "Tu verras encore d'autres grandes abominations qu'ils commettent."
Notez que Dieu appelle abomination ce qu’Ézéchiel est sur le point de voir. Et que voit-il ? "Et voici, il y avait là des femmes assises, qui pleuraient Thammuz." Elles pleuraient Thammuz, le faux messie des païens ! Ces lamentations précédaient les festivités païennes en l'honneur d'une prétendue résurrection de Thammuz. Le jeûne accompagnait les lamentations pendant 40 jours avant ces festivités… Et cette période d'abstinence et de pleurs tombait au printemps. De là le terme anglais "Lent" qui signifie "printemps". Le Carême perpétue la tradition printanière païenne, qui consistait à s'abstenir de certains aliments, juste avant la résurrection supposée d'une divinité païenne babylonienne !
C'est pourquoi le Christ et la véritable Église du Nouveau Testament ne l’ont jamais observé ! Paul interdit aux chrétiens d'observer les "mois" ou les "temps" païens (Gal. 4:9-10).
La Pâque, son évolution jusqu'au temps de Jésus
Pour comprendre Jésus, en particulier au moment de son dernier repas avec ses disciples. Il faut lui restituer toutes ses racines. De plus en plus la recherche mesure combien Jésus s'inscrit dans une histoire et dans une culture, sans laquelle il est inintelligible: « Lorsqu'on regarde le mystère de Jésus en lui-même, il parait tellement élevé que ses nœuds semblent impossible à dénouer; mais il s'éclaire quand nous regardons les chemins qui, depuis l'Ancienne Alliance, convergent vers lui » (Urs Von Balthasar) Il en est ainsi pour l'eucharistie instituée par le Christ et pratiquée par les premiers chrétiens. Elle est l'aboutissement du long itinéraire dont nous voudrions ici repérer quelques moments déterminants.
1. LA PRÉHISTOIRE DE PÂQUE
Le récit de Pâque se donne à lire en deux endroits de la Bible : d'abord en Exode 12, 1-20. puis en Deutéronome 16, 1-8. Le premier est traditionnellement utilisé comme la mémoire historique de la Pâque fondatrice, au moment de la sortie libératrice d'Égypte; et c'est exact en partie. Mais un tel texte est loin de se réduire à un compte rendu objectif de ce qui s'est passé la fameuse nuit où Dieu a fait sortir son peuple. Écrit longtemps après les événements, sans doute pendant l'Exil, ce récit comporte plusieurs strates.
Tout d'abord il parle vraisemblablement d'une époque plus ancienne que le temps de l'Exode. Aujourd'hui la plupart des exégètes sont convaincus que la fête de Pâque n'a pas été un commencement absolu au moment de l'Exode, mais qu'elle a pris, en ces moments historiques, une signification nouvelle. Il existait probablement, au temps des patriarches, une fête qui s'appelait déjà « pessah » (qui donnera notre « pâque ») : lorsqu'au printemps les nomades s'apprêtaient à quitter leurs campements pour d'autres lieux, ils offraient un sacrifice aux divinités pour demander la fécondité pour les troupeaux et plus généralement la protection contre les puissances « exterminatrices: symbolisées par le « fléau destructeur » (Ex. 12, 13). Les êtres les plus menacés étaient les nouveau-nés qui pour la première fois de leur vie entreprenaient un voyage qui n'allait pas sans risques. Aussi, pour conjurer la violence menaçante, on mettait à part un de ces animaux nouveau-nés pour lui conférer le pouvoir sacré, puis le chef de famille l'immolait. Le sang de l'animal servait de marque de reconnaissance au fléau destructeur qui épargnait les tentes marquées du sang de l'animal: c'est peut-être l'origine du mot « Pâque » ; en effet en hébreu il existe un verbe « pasah » qui signifie « boiter », donc sauter par-dessus (les tentes) et épargner.
Ce sacrifice se déroulait à la nuit tombante dans un repas de communion avec la divinité protectrice. Les aliments de ce repas, ainsi que le mode de cuisson, correspondent tout à fait aux conditions de vie des nomades dans le désert : la viande est rôtie au four, ce qui ne nécessite aucun instrument particulier; les herbes amères sont le genre de plante que l'on trouve au désert: le pain azyme est une nourriture traditionnelle en pays chaud, car il se conserve mieux ainsi. Le bâton convient tout à fait aux gardiens de petits troupeaux ; les reins ceints et la station debout signifient l'imminence du départ.
Chaque année lorsqu'arrivait le printemps, les hébreux répétaient le rite hérité de leurs ancêtres. Même quand ils cessèrent d'être des nomades, en particulier durant leur long séjour en Égypte. Ils conservèrent cette pratique qui leur rappelait leur enfance et raffermissait leur identité. C'est vraisemblablement ce rite qu'il faut voir derrière le leitmotiv qui apparaît dans chaque « plaie d'Égypte » : « Laisse sortir mon peuple pour qu'il me serve dans le désert ». Les descendants des patriarches, opprimés, devenus esclaves, renouent avec leurs racines, en reproduisant le rite de leurs ancêtres.
2. L'HISTOIRE
Une année, vers le milieu du 13ème siècle avant Jésus Christ, cette fête a pris une tournure tout à fait nouvelle qui deviendra, dans la mémoire d'Israël, un véritable commencement et effacera presque complètement, la trace du premier rite.
Cette année-là, la sortie devait être une sortie sans retour, le commencement d'une nouvelle aventure, la marche vers la terre promise. Israël se souviendra que cette année-là ils ne sont pas revenus en Égypte, comme ils auraient dû le faire : ils ne sont pas revenus, et « ils n'en sont pas revenus ! » ; désormais c'est la sortie d'Égypte qu'ils célébreront, c'est-à-dire un événement historique, et non plus le cycle monotone et répétitif du printemps. De la première fête, bien des éléments subsisteront : la période (le printemps), les rubriques de détails (animal sacrifié, nourriture. rite du sang); ce qui changera, c'est essentiellement le sens : le rattache ment à l'entrée historique de Dieu dans l'histoire d'un peuple.
Désormais, Pâque c'est le rite fondateur, par lequel, chaque année le peuple d'Israël célèbre la sortie d'Égypte, le passage de la servitude au service de Dieu, de la mort à la vie. Cette nouvelle signification est mise en valeur par la place qu'occupe le récit de Pâque dans l'ensemble Exode 1-15, et plus particulièrement dans le récit dramatique des plaies d'Égypte par lesquelles Dieu fait savoir qu'il est Yahvé. Cette manifestation de la présence et de la protection de Dieu se déploie à travers l'affrontement entre Yahvé et Pharaon; il culmine dans la 10ème plaie où le sacrifice de l'animal devient le rite à travers lequel Dieu rend manifeste sa présence à son peuple et sa protection au milieu de la destruction qui s'abat sur le peuple égyptien.
Si l'on regarde notre texte Ex. 12. 1-20, nous constatons qu'il a conservé quelques traits de cet enracinement historique:
1. Yahvé dit à Moïse et à Aaron au pays d'Égypte.
12. Cette nuit je parcourrai l'Egypte et je frapperai tous les premiers-nés dans le pays d'Égypte, tant hommes que bêtes, et de tous les dieux d'Égypte je ferai justice.
3. LA RELECTURE
Les remarques précédentes sembleront aux lecteurs vagues et imprécises; de la préhistoire il ne reste que des organes témoins; de l'histoire il ne reste que quelques notations référentielles (Moïse, Égypte, etc.). C'est une autre manière de constater que le récit de l'Exode sur la Pâque n'a pas pour première fonction d'être un récit historique. Sa fonction n'est pas de raconter dans le détail ce qui s'est passé la fameuse nuit où Israël est sorti d'Égypte, mais comment les juifs célébraient cet événement: ce récit est un récit liturgique.
Cette particularité liturgique transparaît dans la sérénité du ton : nous sommes loin d'une description prise sur le vif d'une opération de sauvetage. Rien n'est laissé au hasard : le temps de la mise à part de l'animal est précisé : quatre jours avant le sacrifice : sa dimension aussi, ainsi que le nombre des participants, ce qu'il faut manger, comment... En un mot ce sont des rubriques liturgiques qui reflètent un temps bien lointain. La rédaction définitive de ce chapitre peut dater du temps de l'Exil (550) mais les traditions utilisées sont plus anciennes.
Note : Dans les deux récits de la Pâque, la fête de Pesah est étroitement associée à la fête des azymes (les pains sans levain) A l'origine les deux fêtes n'avaient aucun rapport entre elles, la première étant un rite de nomade et la seconde une pratique liée à une population agricole déjà sédentarisée. En effet les azymes sont une fête que les Israélites auront trouvée dans la population cananéenne au moment de La conquête : au moment de la moisson des orges, on faisait disparaître tout ce qui restait de l'ancienne récolte et on mangeait du pain fabriqué avec les nouveaux grains, sans levain, c'est-à-dire sans éléments venant de l'ancienne récolte. Cette fête était une façon de s'assurer la protection des divinités responsables de la prospérité du sol. Avec sa capacité étonnante d'assimilation critique, Israël adoptera cette fête en lui donnant une signification nouvelle. Située à peu près à la même période que Pâque. Elle finira par fusionner avec elle, pour devenir avec elle, un mémorial de la sortie d'Égypte.
4. DE JOSIAS A JÉSUS
On est habitué à entendre dire que Pâque est la fête centrale dans l'Ancien Testament; or quand on parcourt la Bible, on constate qu'il est rarement fait mention de la célébration de la Pâque. Lorsque les hébreux franchissent le Jourdain (Josué 5. 10-12), ils reçoivent la circoncision et célèbrent la Pâque; après c'est un silence prolongé: peut-être faut-il l'attribuer au caractère familial et local de la fête de Pâque ? Ce genre de célébration relève de la chronique familiale. Le silence des historiens bibliques signifie simplement que ce genre de faits n'a pas retenu leur attention.
Un tournant important sera pris par le roi Josias. Grâce au 2ème livre des Rois ch. 22 et 23, nous sommes bien renseignés sur ces événements. Au cours de travaux de restauration du temple, des ouvriers trouvent par hasard un livre dans lequel on reconnaît le noyau du Deutéronome. Etrange et mystérieux destin que celui de ce livre, élaboré par des réformateurs du Royaume du Nord, rapporté par eux à Jérusalem après la chute de Samarie, comme une sorte de signal d'alarme pour Juda, échouant finalement dans le temple de Jérusalem. Josias découvre dans ce livre un programme ambitieux de réforme religieuse qui se résume en trois termes: un seul Dieu, un seul peuple, un seul sanctuaire. Pour mener à bien cette construction d'une communauté, tous les sanctuaires sanctifiés par les patriarches sont désormais rejetés : Israël est invité à se rendre, pour les fêtes, « au lieu choisi pour y faire habiter son nom » c'est-à-dire à Jérusalem.
C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la législation pascale rapportée en Deutéronome 16, 1-8 : trois fois le législateur revient sur la ville de Jérusalem à travers une périphrase que tous comprennent : « Tu ne pourras pas immoler la Pâque dans l'une des villes que Yahvé ton Dieu t'aura donnée, mais c'est au lieu choisi par Yahvé ton Dieu pour y faire habiter son nom que tu immoleras la Pâque » (16, 6).
On sait ce qu'il adviendra de la réforme de Josias : le roi lui-même mourra en 609 près de Megiddo à la tête de ses troupes; en 587 Jérusalem tombe aux mains de Babylone Et pourtant la centralisation du culte sera un acquis qui durera plus de 650 ans (jusqu'à la fin de Jérusalem en 70 après Jésus). Jésus lui-même célébrera la fête de Pâque dans le cadre imposé par Josias. C'est important de l'avoir présent à l'Esprit si l'on veut comprendre le sens du dernier repas de Jésus et de sa mort.
PÂQUE, LE TEMPS DU SALUT
On est finalement relativement peu renseigné sur la place réelle qu'a occupé la fête de Pâque aux différents moments de l'histoire d'Israël. Son caractère familial peut expliquer cette discrétion. A partir de la réforme de Josias, elle devient une fête religieuse nationale jamais célébrée de cette façon jusque-là si l'on en croit 2 Rois 23, 22 : « On n'avait pas célébré une Pâque comme celle-là depuis les jours des juges qui avaient régi Israël et pendant tout le temps des rois d'Israël et de Juda »1. De fait au moment de la restauration du temple en 515, une célébration solennelle de la Pâque est signalée en Esdras, 19-22.
Après, les textes bibliques sont silencieux. Heureusement d'autres sources d'information nous permettent de dire que la fête de Pâque a pris de plus en plus d'importance dans l'expression religieuse d'Israël. Roger le DEAUT a publié en 1963 un livre important intitulé La nuit pascale dans lequel il étudie la signification de la Pâque juive d'après le Targum d'Exode 12, 42. Depuis il a publié intégralement le Targum palestinien du Pentateuque. Dans ce texte qui reflète une lecture très ancienne, vraisemblablement antérieure au Nouveau Testament, la nuit pascale devient une sorte de temps symbolique qui attire à lui les faits majeurs de l'histoire d'Israël : la création du monde, la naissance et la mort des patriarches, la naissance et le sacrifice d'Isaac, la libération d'Égypte, la venue du Messie dans le futur. Passé, présent, futur se donnaient rendez-vous en cette nuit. Chaque année, en célébrant le temps fondateur, les juifs revivaient la totalité de leur histoire, comme l'histoire d'un salut. Ce rappel du passé rallumait la certitude que l'action du Dieu de l'histoire se poursuivait aujourd'hui ; mais cette célébration ouvrait sur les temps futurs où Dieu, à travers Moïse revenu, apporterait la libération totale, définitive, où le présent verrait se fusionner le paradis perdu et le royaume messianique futur.
C'est avec cet arrière-plan qu'il faut lire la Pâque chrétienne : le dernier repas de Jésus se déroule certainement dans un contexte pascal qui colore les paroles et les gestes de Jésus à la Cène. Les premiers chrétiens, après la résurrection, ont certainement utilisé le symbolisme pascal pour éclairer la mort et la résurrection de Jésus ainsi que la célébration de la Cène.
1 Le deuxième livre des Chroniques rapporte (sans parallèle dans les livres des Rois) une fête de Pâque solennelle célébrée à Jérusalem sous le roi Ezéchias (2 Chr. 30)